1672
297. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET D’EMMANUEL DE COULANGES À MADAME DE GRIGNAN.
Ne parlons plus de mon voyage, ma bonne ; il y a longtemps que nous ne faisons autre chose, qu’enfin cela fatigue. C’est comme les longues maladies qui usent la douleur : les longues espérances usent toute la joie. Vous aurez dépensé tout le plaisir de me voir en attendant ; quand j’arriverai, vous serez tout accoutumée à moi.
J’ai été obligée de rendre les derniers devoirs à ma tante ; il a fallu encore quelques jours au delà : enfin voilà qui est fait, je pars mercredi, et vais coucher à Essonne ou à Melun. Je vais par la Bourgogne ; je ne m’arrêterai point à Dijon : je ne pourrai pas refuser quelques jours en passant à quelque vieille tante[1] que je n’aime guère. Je vous écrirai d’où je pourrai ; je ne puis marquer aucun jour. Le temps est divin, il a plu comme pour le Roi ; notre abbé est gai et content, la Mousse est un peu effrayé de la grandeur du voyage, mais je lui donnerai du courage. Pour moi, je suis ravie ; et si vous en doutez, mandez-le-moi à Lyon[2], afin que je m’en retourne sur mes pas. Voilà, ma bonne, tout ce que je vous manderai.
- ↑ Lettre 297 (revue sur une ancienne copie). — 1. Françoise de Rabutin, veuve d’Antoine de Toulongeon, seigneur d’Alonne, capitaine aux gardes et gouverneur de Pignerol, mort en 1633 ; elle était fille de sainte Chantal ; sœur du baron de Chantal, père de Mme Sévigné ; et mère de la première femme de Bussy. Elle mourut à quatre-vingt-six ans en 1684. Voyez la Notice, p. 14, et la Généalogie, p. 343.
- ↑ 2. Dans le manuscrit : « à Dijon ; » mais voyez p. 150