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Je suis étonnée du mal de ce gentilhomme de M. de Grignan. Comment ? rêver sans fièvre ! cela fait peur. Mais j’ai été quasi aussi étonnée d’entendre dire un gentilhomme de M. de Grignan qui n’est point la Porte[1]. Eh ! bon Dieu, qu’en voulez-vous faire ? N’y a-t-il qu’à se jeter dans une maison ? Faut-il avoir la foiblesse de recevoir ce qui veut être à nous par force ? C’est à M. de Grignan à qui je parle ; mais pour vous, soyez-en la maîtresse, et ne croyez pas que ces augmentations ne soient rien. Mettez votre esprit et votre grandeur même, Monsieur le Comte, à sauver votre maison, votre femme, vos enfants, et acquitter vos dettes (voilà les sentiments que vous devez avoir), et non pas à vous laisser sucer par des gens qui vous quitteront quand vous ne leur serez plus bon à rien. Je consens que M. de Grignan me boude, pourvu qu’enfin il entre dans mes sentiments, et qu’il trouve bon que vous aimant tous deux au point que je fais, je vous donne les conseils d’une vraie amie ; et ceux qui vous parlent autrement n’en sont point. Mandez-moi pourtant si cela ne vous déplaît point à tous deux, car si cela vous déplaisoit, cela étant inutile, je ne serois pas fort pressée de vous dire des choses déplaisantes. Répondez-moi sincèrement là-dessus.

Je suis ravie que vous ne soyez point grosse : hélas ! ma fille, ayez du moins le plaisir d’être en santé et de reposer votre vie. Eh mon Dieu, ne joignez point cet embarras à tant d’autres qu’on trouve en son chemin.

La vieille Madame[2] est morte d’une vieille apoplexie

  1. 8. Cet autre gentilhomme s’appelait Pommier : voyez la fin de la lettre du 27 avril suivant.
  2. 9. Marguerite de Lorraine, seconde femme de Gaston de France, duc d’Orléans. Elle était morte dans la nuit du 2 au 3 avril : voyez la Correspondance de Bussy, tome II, p. 86.