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qu’elle recevoit une extrême consolation de nous avoir tous deux dans ces derniers moments. Cela nous creva le cœur, et nous fit voir qu’on joue longtemps la comédie, et qu’à la mort on dit la vérité. Je ne vous dis plus, ma fille, le jour de mon départ :

Comment vous le pourrois-je dire ?
Rien n’est plus incertain que l’heure de la mort[1].

Mais enfin, pourvu que vous vouliez bien ne nous point mander de ne pas partir, il est très-certain que nous partirons. Laissez-nous donc faire. Vous savez comme je hais les remords : ce m’eût été un dragon perpétuel que de n’avoir pas rendu les derniers devoirs à ma pauvre tante. Je n’oublie rien de ce que je crois lui devoir dans cette triste occasion.

Je n’ai point vu Mme de Longueville : on ne la voit point ; elle est malade. Il y a eu des personnes distinguées, mais je n’en ai pas été, et n’ai point de titre pour cela. Il ne paroît pas que la paix soit si proche comme je vous l’avois mandé ; mais il paroît un air d’intelligence partout, et une si grande promptitude à se rendre, qu’il semble que le Roi n’ait qu’à s’approcher d’une ville pour qu’on se rende à lui. Sans l’excès de bravoure de M. de Longueville, qui lui a causé la mort et à beaucoup d’autres, tout auroit été à souhait ; mais en vérité, toute la Hollande ne vaut pas un tel prince. N’oubliez pas d’écrire à M. de la Rochefoucauld sur la mort de son chevalier, et la blessure de M. de Marsillac ; n’allez pas vous fourvoyer : voilà ce qui l’afflige. Hélas ! je mens : entre nous, ma fille, il n’a pas senti la perte du chevalier, et il est inconsolable de celui que tout le monde regrette. Il faut écrire aussi au maréchal du Plessis. Tous

  1. Lettre 288. — 1. Voyez la lettre 149, tome II, p. 133.