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1672

chevalier et sur la blessure de M. de Marsillac. J’ai vu son cœur à découvert dans cette cruelle aventure ; il est au premier rang de ce que j’ai jamais vu de courage, de mérite, de tendresse et de raison. Je compte pour rien son esprit et son agrément. Je ne m’amuserai point aujourd’hui à vous dire combien je vous aime. J’embrasse M. de Grignan et le Coadjuteur[1].

À dix heures du soir.

Il y a deux heures que j’ai fait mon paquet, et en revenant de la ville je trouve la paix faite, selon une lettre qu’on m’a envoyée. Il est aisé de croire que toute la Hollande est en alarme et soumise : le bonheur du Roi est au-dessus de tout ce qu’on a jamais vu. On va commencer à respirer ; mais quel redoublement de douleur à Mme de Longueville, et à ceux qui ont perdu leurs chers enfants ! J’ai vu le maréchal du Plessis, il est très-affligé, mais en grand capitaine. La maréchale[2] pleure amèrement, et la Comtesse[3] est fâchée de n’être point duchesse ; et puis c’est tout. Ah ! ma fille, sans l’emportement de M. de Longueville, songez que nous aurions la Hollande, sans qu’il nous en eût rien coûté.


  1. 26. Dans l’édition de 1720, la lettre finit ainsi : « J’embrasse M. de Grignan et le Coadjuteur, et je suis (sic). » Dans l’édition de la Haye, les derniers mots sont : « et je suis, etc. »
  2. 27. Colombe le Charron, morte en 1681.
  3. 28. Marie-Louise le Loup de Bellenave, remariée en 1673 au marquis de Clérembault, morte en 1724.