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cette grêle est tombée sur lui en ma présence. Il a été très-vivement affligé. Ses larmes ont coulé du fond du cœur, et sa fermeté l’a empêché d’éclater.

Après ces nouvelles, je ne me suis pas donné la patience de rien demander. J’ai couru chez Mme de Pompone, qui m’a fait souvenir que mon fils est dans l’armée du Roi, laquelle n’a eu nulle part à l’action. Elle étoit réservée à Monsieur le Prince : on dit qu’il est blessé ; on dit qu’il a passé la rivière dans un petit bateau ; on dit que Nogent a été noyé ; on dit que Guitry est tué ; on dit que M. de Roquelaure[1] et M. de la Feuillade sont blessés, qu’il y en a une infinité qui ont péri en cette rude occasion. Quand je saurai le détail de cette nouvelle, je vous le manderai.

Voilà Guitaut qui m’envoie un gentilhomme qui vient de l’hôtel de Condé : il me dit que Monsieur le Prince a été blessé à la main. M. de Longueville avoit forcé la barrière, où il s’étoit présenté le premier ; il a été aussi le premier tué sur-le-champ[2] ; tout le reste est assez pareil : M. de Guitry noyé, et M. de Nogent aussi[3] ;

  1. 5. Gaston de Roquelaure, fait duc à brevet en 1652, chevalier de l’ordre en 1661, et gouverneur de Guienne en 1676 ; mort en mars 1683, à soixante-huit ans. Sur sa femme, voyez tome I, p. 384, note 7. Sur son caractère et la réputation qu’on lui fit, voyez M. P. Paris, tome V, p. 368 de Tallemant des Réaux. Son fils, plus tard aussi duc à brevet et comme lui « plaisant de profession » (Saint-Simon, tomes I, p. 239, et V, p. 77), s’appelait alors le marquis de Biran.
  2. 6. Voyez les lettres du 20 juin et du 3 juillet suivants. « Tous ces volontaires, dit Louis XIV, … donnèrent d’abord beaucoup d’occupation au prince de Condé pour les retenir ; mais enfin le duc d’Enghien et le duc de Longueville lui échappèrent, et voulurent forcer une barrière pour joindre les ennemis. Le pays n’est que prairies assez basses, fermées de watergans, c’est-à-dire fossés, ou de haies vives, et chaque particulier a sa barrière pour entrer dans son héritage. » Voyez l’Histoire de Louvois par M. Rousset, tome I, p. 527.
  3. 7. Armand de Bautru, comte de Nogent, maréchal de camp et