Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 86 —

1671


maréchal de France ; il n’a pas voulu l’accepter, disant qu’il ne le méritoit pas, et que s’il avoit assez servi, ce seroit un honneur qu’il tiendroit fort cher, mais qu’il ne vouloit l’avoir que par le bon chemin. M. d’Hacqueville par ses soins a fait avoir à M. le cardinal de Retz six mille livres de rente sur le même fonds qu’on a donné au cardinal de Bouillon[1], hormis qu’il n’en a pas l’obligation à Messieurs du clergé.

Vendredi au soir.

Le Rhône, ma chère fille, me tient fort au cœur. Je crois que vous êtes arrivée heureusement ; mais j’aimerois bien à le savoir par vous : j’attends cette nouvelle avec une impatience digne de tout le reste. Il nous semble que vous arrivâtes samedi à Arles ; il nous semble que M. de Grignan est venu au-devant de vous au Saint-Esprit ; il nous semble qu’il a été ravi de vous revoir et de vous ravoir ; il nous semble que vous avez fait comme mercredi votre entrée à Aix ; et puis il nous semble que vous êtes bien lasse, ma chère enfant. Reposez-vous, au nom de Dieu ; tenez-vous au lit, restaurez-vous, et contez-moi bien l’état où vous êtes. Savez-vous que votre souvenir fait ici la fortune de ceux que vous en favorisez ? Les autres languissent après. Le petit mot pour ma tante ne se peut payer ; on est encore fort loin de vous oublier. On m’a tantôt dit mille horreurs de cette montagne de Tarare : que je la hais ! Il y a un autre certain chemin où la roue est en l’air, et l’on tient le carrosse par l’impériale : je ne soutiens pas cette idée ; mais il n’est plus question de tout cela.

  1. 9. Emmanuel-Théodose de la Tour, frère de Godefroi-Maurice duc de Bouillon, et neveu de Turenne, devint cardinal en 1669 à vingt-six ans, grand aumônier de France le 10 décembre 1671, et mourut à Rome, doyen du sacré collège, en 1715, à l’âge de soixante-treize ans.