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grand bruit pour retrouver ce paquet. J’ai reçu la première lettre que vous m’écrivîtes le lendemain que vous y fûtes arrivée. Je ne suis pas encore à l’épreuve de tout ce que vous me mandez. J’ai transi de vous voir passer de nuit cette montagne[1] que l’on ne passe jamais qu’entre deux soleils, et en litière. Je ne m’étonne pas, ma chère fille, si vos parties nobles ont été si culbutées. M. de Coulanges avoit mandé au secrétaire de M. du Gué[2] qu’on envoyât une litière à Rouane ; si vous aviez écrit un mot du jour que vous croyiez arriver, vous l’auriez trouvée infailliblement. Jamais personne comme vous ne s’est conduite comme vous avez fait, et jamais aussi on n’a laissé mourir de faim une pauvre femme. La prévoyance de la fourmi nous apprend qu’il faut faire des provisions où l’on en trouve, pour quand on n’en trouve point. Ma chère enfant, comme vous avez été traitée ! Si j’avois été là, il n’en eût pas été de même, et je n’aurois pas pris votre courage pour de la force, comme on a fait. L’aventure de Mme Robinet[3] m’auroit bien appris à ne vous pas consulter sur ce qui regarde votre personne. En un mot, vos fatigues ont été grandes ; il n’en est plus question présentement ; mais tout ce qui vous touche ne me passe pas légèrement dans l’esprit.

J’écris au Coadjuteur sur sa bonne tête : qu’il vous montre ma lettre. En voilà une de Guitaut qui vous réjouira. J’ai fait vos compliments à Mmes de Villars et de Saint-Géran. La première vous aime tendrement ; elle

  1. Lettre 139. — 1. La montagne de Tarare est sur le grand chemin de Rouane (aujourd’hui Roanne) à Lyon. — « Elle étoit autrefois, dit le chevalier de Perrin (1754), très-difficile à passer ; mais depuis quelques années, par les grands travaux qu’on y a faits, les voyageurs la passent avec moins d’incommodité. »
  2. 2. Voyez la note 2 de la lettre 114.
  3. 3. Voyez la lettre 115, p. 13 et 14.