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blés, que je ne doutai point que ce fût ici ; je crus même entendre qu’on parloit de ma petite-fille ; je ne doutai pas qu’elle ne fût brûlée. Je me levai dans cette crainte, sans lumière, avec un tremblement qui m’empêchoit quasi de me soutenir. Je courus à son appartement, qui est le vôtre : je trouvai tout dans une grande tranquillité ; mais je vis la maison de Guitaut[1] toute en feu ; les flammes passoient par-dessus la maison de Mme de Vauvineux[2]. On voyoit dans nos cours, et surtout chez M. de Guitaut, une clarté qui faisoit horreur : c’étoient des cris, c’étoit une confusion, c’étoient des bruits épouvantables des poutres et des solives qui tomboient. Je fis ouvrir ma porte, j’envoyai mes gens au secours. M. de Guitaut m’envoya une cassette de ce qu’il a de plus précieux ; je la mis dans mon cabinet, et puis je voulus aller dans la rue[3] pour bayer comme les autres ; j’y trouvai M. et Mme de Guitaut quasi nus, Mme de Vauvineux, l’ambassadeur de Venise[4], tous ses gens, la petite Vau-

  1. LETTRE 137 (revue sur une ancienne copie). — 1. Guillaume de Pechpeyrou Comminges, comte de Guitaut, et, par sa première femme, marquis d’Époisse, l’un des plus intimes amis de Mme de Sévigné, et son seigneur en Bourgogne. Sur lui et sur sa femme, Élisabeth-Antoinette de Verthamon, voyez la Notice, p. 149-153. Sa mère, dont il est parlé un peu plus bas, était Jeanne, fille de Bertrand d’Eygua, seigneur de Castel-Arnaud. Elle devait être fort âgée. Elle avait été mariée en 1625 et était veuve depuis longtemps. — On a quelquefois confondu avec l’ami de Mme de Sévigné, son oncle maternel à la mode de Bretagne, François de Comminges de Guitaut, capitaine des gardes de la reine Anne d’Autriche, qui arrêta le prince de Condé.
  2. 2. Françoise-Angélique Aubry, comtesse douairière de Vauvineux. Mme de Sévigné l’appelle souvent la Vauvinette. Elle mourut en 1705, à soixante-quatre ans. Elle était veuve, depuis 1661, de Charles de Cochefilet, comte de Vauvineux.
  3. 3. Mme de Sévigné demeurait alors rue de Thorigny. Voyez Walckenaer, tome IV, p. 68 et 334.
  4. 4. Probablement il cavaliere Zuanne Morosini, qui donna en 1672