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un petit mot pour eux. Deux ou trois Grignan me vinrent voir hier matin. J’ai remercié mille fois Adhémar de vous avoir prêté son lit. Nous ne voulûmes point examiner s’il n’eût pas été meilleur pour lui de troubler votre repos, que d’en être cause ; nous n’eûmes pas la force de pousser cette folie, et nous fûmes ravis de ce que le lit étoit bon. Il nous semble que vous êtes à Moulins aujourd’hui ; vous y recevrez une de mes lettres. Je ne vous ai point écrit à Briare ; c’étoit ce cruel mercredi qu’il falloit écrire ; c’étoit le propre jour de votre départ : j’étois si affligée et si accablée, que j’étois même incapable de chercher de la consolation en vous écrivant. Voici donc ma troisième, et ma seconde à Lyon ; ayez soin de me mander si vous les avez reçues : quand on est fort éloignés, on ne se moque plus des lettres qui commencent par J’ai reçu la vôtre… La pensée que vous aviez de vous éloigner toujours, et de voir que ce carrosse alloit toujours en delà, est une de celles qui me tourmentent le plus. Vous allez toujours, et, comme vous dites, vous vous trouverez à deux cents lieues de moi. Alors, ne pouvant plus souffrir les injustices sans en faire à mon tour, je me mettrai à m’éloigner aussi de mon côté, et j’en ferai tant, que je me trouverai à trois cents : ce sera une belle distance, et ce sera une chose digne de mon amitié, que d’entreprendre de traverser la France pour vous aller voir. Je suis touchée du retour de vos cœurs entre le Coadjuteur et vous : vous savez combien j’ai toujours trouvé que cela étoit nécessaire au bonheur de votre vie. Conservez bien ce trésor, ma pauvre bonne ; vous êtes vous-même charmée de sa bonté, faites-lui voir que vous n’êtes pas ingrate.

Je finirai tantôt ma lettre. Peut-être qu’à Lyon vous serez si étourdie de tous les honneurs qu’on vous y fera, que vous n’aurez pas le temps de lire tout ceci ; ayez au