Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 52 —

1671


avoir pour Dieu, si l’on faisoit son devoir. Rien ne me donne de distraction ; je suis toujours avec vous ; je vois ce carrosse qui avance toujours, et qui n’approchera jamais de moi : je suis toujours dans les grands chemins ; il me semble même que j’ai quelquefois peur qu’il ne verse ; les pluies qu’il fait depuis trois jours me mettent au désespoir ; le Rhône me fait une peur étrange. J’ai une carte devant les yeux ; je sais tous les lieux où vous couchez : vous êtes ce soir à Nevers, et vous serez dimanche à Lyon, où vous recevrez cette lettre. Je n’ai pu vous écrire qu’à Moulins par Mme de Guénégaud. Je n’ai reçu que deux de vos lettres ; peut-être que la troisième viendra ; c’est la seule consolation que je souhaite ; pour d’autres, je n’en cherche pas. Je suis entièrement incapable de voir beaucoup de monde ensemble ; cela viendra peut-être, mais il n’est pas venu. Les duchesses de Verneuil[1] et d’Arpajon[2] me veulent réjouir ; je les prie de m’excuser : je n’ai jamais vu de si belles âmes qu’il y en a en ce pays-ci. Je fus samedi tout le jour chez Mme de Villars[3] à parler de vous, et à pleurer ; elle entre bien dans

  1. LETTRE 132. — 1. Charlotte, duchesse de Verneuil, était fille du chancelier Seguier, et sœur de la marquise de Laval. Veuve, en 1661, du duc de Sully, qu’elle avait épousé en 1639, elle se remaria en 1668 à Henri de Bourbon, duc de VerneuiL, fils naturel de Henri IV et de la marquise de Verneuil. Après la mort de son second mari (1682), elle se retira au couvent de Sainte-Élisabeth, rue du Temple, et mourut en 1704. Elle avait eu plusieurs enfants de son premier mari, entre autres Maximilien-Pierre-François de Béthune, alors duc de Sully, et Marguerite-Louise-Suzanne, comtesse de Guiche depuis 1658, et seconde femme, en 1681, du duc du Lude le grand maître.
  2. 2. Catherine-Henriette d’Harcourt Beuvron, sœur du marquis de Beuvron, troisième femme (1659) de Louis, duc d’Arpajon, mort en 1679. Elle fut dame d’honneur de la Dauphine (1684), et mourut en 1701.
  3. 3. Voyez la note 12 de la lettre 80, et la Notice, p. 156. On a de