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abîmée ; mais elle a cette consolation de n’y avoir pas contribué[1].



1671

132. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 9e février.

Je reçois vos lettres, ma bonne, comme vous avez reçu ma bague ; je fonds en larmes en les lisant ; il semble que mon cœur veuille se fendre par la moitié ; il semble que vous m’écriviez des injures ou que vous soyez malade, ou qu’il vous soit arrivé quelque accident, et c’est tout le contraire : vous m’aimez, ma chère enfant, et vous me le dites d’une manière que je ne puis soutenir sans des pleurs en abondance. Vous continuez votre voyage sans aucune aventure fâcheuse, et lorsque j’apprends tout cela, qui est justement tout ce qui me peut être le plus agréable, voilà l’état où je suis. Vous vous avisez donc de penser à moi, vous en parlez, et vous aimez mieux m’écrire vos sentiments que vous n’aimez à me les dire. De quelque façon qu’ils me viennent, ils sont reçus avec une tendresse et une sensibilité qui n’est comprise que de ceux qui savent aimer comme je fais. Vous me faites sentir pour vous tout ce qu’il est possible de sentir de tendresse ; mais si vous songez à moi, ma pauvre bonne, soyez assurée aussi que je pense continuellement à vous : c’est ce que les dévots appellent une pensée habituelle ; c’est ce qu’il faudroit

    de la place Royale (du côté de la rue Saint-Louis) ; l’autre (il existe encore) était rue des Francs-Bourgeois. Mme Scarron, que nous verrons plus loin souper fréquemment avec Mme de Sévigné, avait conservé un logement dans la rue des Tournelles ; c’était la rue de Ninon.

  1. 19. La phrase a ce tour ironique dans toutes les impressions du siècle dernier. C’est Grouvelle qui a ajouté peu, que tous les éditeurs venus après lui ont gardé.