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vez croire que sa recommandation et la vôtre me sont fort considérables ; mais mon crédit ne répond pas à mes bonnes intentions. Vous m’avez dit tant de bien du président dont il est question, qu’on se feroit honneur de le servir, si on avoit quelque voix en chapitre : j’en parlerai au hasard ; mais en vérité tout est si caché à Versailles, qu’il faut attendre en paix les oracles qui en sortent. Pour M. de Roquesante, si vous ne lui faites mes compliments en particulier, vous êtes brouillée avec moi.

Vous avez frissonné de la fièvre de notre abbé, je vous en remercie ; mais comme vous étiez seule à frissonner, et que l’abbé ne frissonnoit point du tout, vous sentez bien que je n’ai point frissonné. Son mal étoit une émotion continuelle sans aucun accident ; il s’est gouverné sagement, et je suis persuadée que c’est de la santé pour vingt ans. Dieu le veuille ! Je lui ai fait toutes vos amitiés : il en est très-touché.

Ma tante ne parle que pour vous remercier. Son état touche le cœur des plus indifférents : elle enfle tous les jours, les remèdes ne font point d’effet. Elle me disoit tantôt : « Enfin, ma chère, voilà ce qui s’appelle une femme abandonnée. » Elle se dispose à mourir, et en parle sans frayeur ; elle est seulement étonnée qu’il


    seiller au parlement d’Aix, homme d’un vrai mérite, et qui avoit été l’un des commissaires (de la chambre de justice dans le procès) de M. Foucquet. (Voyez la lettre 64, tome I, p. 473.) Il donna de si grandes preuves de son intégrité et de ses lumières dans le jugement de ce procès, que Mme de Sévigné en avoit conservé pour lui une estime singulière. (Note de Perrin.) — Il avait depuis été rapporteur du procès de Henri du Plessis Guénégaud, trésorier de l’Épargne. Ayant déplu à la cour, il fut relégué à Quimper-Corentin le 11 février 1665. Sa femme obtint, deux ans après, son rappel de cet exil. On fit sur sa disgrâce une épigramme qui finit par ces deux vers :

    Il est banni comme un coupable,
    Pour n’avoir pas voulu punir un innocent.