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Mme Scarron a reçu votre embrassade ; il n’y a sorte de louange qu’elle ne vous donne, ni sorte d’estime particulière qu’elle ne fasse paroître pour vous.

Le chancelier n’aura point un enterrement magnifique, comme on le prétendoit. Ils vouloient un prince du sang pour conduire le deuil. Monsieur le Prince a dit qu’il étoit incommodé ; Monsieur le Duc, que cela étoit bon le temps passé, et que les princes du sang de ce siècle-ci sont plus grands seigneurs qu’ils n’étoient. Messieurs les princes de Conti ont dit qu’ils ne pouvoient faire ce que Monsieur le Duc refusoit. En un mot, la famille du chancelier est désolée. L’exemple du chancelier de Bellièvre, qu’un prince de Conti honora de sa présence au convoi, n’a été de nulle considération[1].

Le comte de Guiche disoit l’autre jour des merveilles des esprits de vos pays chauds : il ne s’y est pas ennuyé un moment. Je songeai que vous ne m’aviez jamais parlé d’une seule personne dont l’esprit fût digne d’être distingué. Croyez, ma fille, que ce n’est pas sans une douleur profonde que je vois votre retour dans ces idées de Platon, et que je sens une telle séparation jusque dans la moelle de mes os, sans pouvoir jamais m’en consoler. Pour mon voyage, il tient à ma tante ; mais dans un mois on verra ce qu’on doit espérer. Cela seul me retient ; sans cela j’irois avec M. et Mme de Coulanges. L’abbé et moi, nous ne faisons plus que languir après notre départ. J’admire les choses qui m’arrivent pour me désespérer. Je fais présentement l’équipage de mon fils, sans

  1. 4. Le chancelier Pompone de Bellièvre était mort en 1607. On avait aussi l’exemple du chancelier de Birague, mort en 1583 : les princes des maisons de Bourbon et de Guise menèrent le deuil ; Henri III lui-même, accompagné du duc d’Épernon, assista aux obsèques eu habit de pénitent. Voyez le Journal de Henri III, tome XL, p. 270.