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pendoit du pape, et que s’il vouloit faire cardinal un palefrenier, il le pourroit. Là-dessus le cardinal de Bonzi[1] arrive ; Monsieur le Dauphin lui dit : « Monsieur, est-il vrai que si le pape vouloit, il feroit cardinal un palefrenier ? » M. de Bonzi fut surpris ; et devinant l’affaire, il lui répondit : « Il est vrai, Monsieur, que le pape choisit qui il lui plaît ; mais nous n’avons pas vu jusqu’ici qu’il ait pris des cardinaux dans son écurie. » C’est le cardinal de Bouillon qui m’a conté ce détail.

J’ai fort entretenu Monsieur d’Uzès. Il vous mandera la conférence qu’il a eue : elle est admirable. Il a un esprit posé et des paroles mesurées, qui sont d’un grand poids dans ces occasions : il fait et dit toujours très-bien partout. On disoit de Jarzé[2] ce qu’on vous a dit ; mais cela est incertain. On prétend que la joie de la dame[3] n’est pas médiocre pour le retour du chevalier de Lorraine. On dit aussi que le comte de Guiche et Mme de Brissac sont tellement sophistiqués[4], qu’ils auroient besoin d’un truchement pour s’entendre eux-mêmes. Écrivez un peu à notre Cardinal, il vous aime ; le faubourg[5] vous aime ; Mme Scarron vous aime ; elle passe ici le carême, et céans presque tous les soirs. Barillon y est encore, et plût à Dieu, ma belle, que vous y fussiez aussi ! Adieu, mon enfant ; je ne finis point. Je vous défie de pouvoir comprendre combien je vous aime.


  1. 11. Voyez la note 6 de la lettre 253.
  2. 12. Voyez la lettre du 24 juin suivant.
  3. 13. Il n’est pas facile de dire quelle était cette dame ; était-ce Mlle de Grancey, Mlle de Fiennes, ou Mme de Coetquen ?
  4. 14. Voyez la note 14 de la lettre 238.
  5. 15. C’est-à-dire M. de la Rochefoucauld et Mme de la Fayette, qui demeuroient l’un et l’autre au faubourg Saint-Germain, et que Mme de Sévigné voyoit très-souvent. (Note de Perrin.)