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j’ose me citer. Racine fait des comédies pour la Champmeslé : ce n’est pas pour les siècles à venir. Si jamais il n’est plus jeune, et qu’il cesse d’être amoureux, ce ne sera plus la même chose. Vive donc notre vieil ami Corneille ! Pardonnons-lui de méchants vers, en faveur des divines et sublimes beautés qui nous transportent : ce sont des traits de maître qui sont inimitables. Despréaux en dit encore plus que moi ; et en un mot, c’est le bon goût : tenez-vous-y.

Voici un bon mot de Mme Cornuel[1], qui a fort réjoui le parterre. M. Tambonneau le fils[2] a quitté la robe, et a mis une sangle autour de son ventre et de son derrière. Avec ce bel air, il veut aller sur la mer : je ne sais ce que lui a fait la terre. On disoit donc à Mme Cornuel qu’il s’en alloit à la mer : « Hélas ! dit-elle, est-ce qu’il a été mordu d’un chien enragé[3] ? » Cela fut dit sans malice, c’est ce qui a fait rire extrêmement.

Mme de Courcelles est fort embarrassée : on lui refuse toutes ses requêtes ; mais elle dit qu’elle espère qu’on aura pitié d’elle, puisque ce sont des hommes qui sont ses juges. Notre Coadjuteur ne lui feroit point de grâce présentement ; vous me le représentez dans les occupations de saint Ambroise.

Il me semble que vous deviez vous contenter que votre

  1. 4. Voyez la note de la lettre du 17 avril 1676.
  2. 5. Dans l’édition de 1734, il n’y a que l’initiale T… — Jean Tambonneau, président à la chambre des comptes, épousa Marie Boyer, sœur de la duchesse de Noailles. C’est de lui probablement qu’il est parlé dans le chapitre x des Mémoires de Gramont. Son fils eut d’abord la même charge que lui, puis fut longtemps ambassadeur en Suisse. Saint-Simon dit que la vieille présidente « n’avoit jamais fait grand cas de son mari ni de son fils l’ambassadeur ; elle ne l’appeloit jamais que Michaut. » Voyez le tome II des Mémoires, p. 369, et le tome XVII, p. 283.
  3. 6. Voyez la lettre 144, p. 105, et la note 8.