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vous me dites, ma bonne, que c’est avec une tendresse digne de la mienne ; si je ne suis contente de cette ressemblance, je suis bien difficile à contenter.


Je viens de recevoir votre lettre du jour des Cendres. En vérité, ma fille, vous vous moquez avec vos louanges et vos remerciements : cela me fait souvenir de tout ce que je voudrois faire pour les mériter, et j’en soupire, parce que je ne suis pas sur cela contente de moi-même. Vous me faites un plaisir extrême de me donner quelque chose à faire, à dire, à vous envoyer. Pour mes intentions, elles méritent ce que vous me dites, mais les effets n’y répondent pas ; et plût à Dieu qu’enfin vous fussiez si pressée de mes bienfaits, que vous fussiez contrainte de vous jeter dans l’ingratitude[1] ! C’est la vraie porte pour en sortir honnêtement, quand on ne sait plus où donner de la tête ; mais je ne suis pas assez heureuse pour vous réduire à cette extrémité : votre reconnoissance suffit et au delà. Que vous êtes aimable ! et que vous dites plaisamment sur cela tout ce qui se peut dire ! Vous êtes touchée de l’amitié que j’ai pour vous ; il est vrai qu’elle est grande, mais rien ne vous échappe, et si vous dites des injures à l’Évêque pour plus de vingt mille écus, vous me dites des tendresses pour plus de cent mille.

Mais à propos d’écus, quelle folie d’en perdre deux cents à ce chien d’hoca[2] ! un coupe-gorge qu’on a banni de ce

  1. 22. Voyez la lettre 155, p. 159, et plus bas la lettre 209.
  2. 23. Dans toutes les éditions : « à ce chien de brelan. » — Le hoca était un jeu de hasard qui se jouait sur une table divisée en trente compartiments. Il avait été introduit par le cardinal Mazarin. Mademoiselle (tome IV des Mémoires, p. 277) dit qu’on perdit de grandes sommes à ce jeu pendant la Campagne des brouettes. Voyez la note de M. Chéruel.