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que vous avez en Provence, profitez-en. Je vous prie qu’il soit excepté de la fureur de mes manches[1], et qu’il demeure seul avec M. de Grignan et vous : du reste, sauve qui peut !

Je vous défends, ma bonne, de m’envoyer votre portrait. Si vous êtes belle, faites-vous peindre ; mais gardez-moi cet aimable présent pour quand j’arriverai : je serois fâchée de le laisser ici. Suivez mon conseil, et recevez en attendant un présent passant tous les présents passés et les présents ; car ce n’est pas trop dire : c’est, ma bonne, un tour de perles de douze mille écus ; cela est un peu fort, mais il ne l’est pas plus que ma bonne volonté : enfin regardez-le, pesez-le, voyez comme il est enfilé, et puis m’en dites votre avis : c’est le plus beau que j’aie jamais vu ; on l’a admiré ici. Si vous l’approuvez, et qu’il ne vous tienne point au cou, il sera suivi de quelques autres ; car pour moi, je ne suis point libérale à demi. Sérieusement, rien n’est plus beau ; il vient de l’ambassadeur de Venise, notre défunt voisin[2], qui en donnoit par rareté. Voilà aussi des pincettes pour cette barbe incomparable[3] ; ce sont les plus parfaites de Paris. Voilà aussi un livre que mon oncle de Sévigné[4] me prie de vous envoyer ; je

  1. 7. Tel est le texte du manuscrit. Si c’est une nouvelle allusion à la mode des grandes manches dont il est parlé au commencement de la lettre 195 et à la fin de la lettre 198, il faut avouer qu’elle n’est pas fort claire en cet endroit. On voit cependant que Mme de Sévigné veut excepter M. de Vence du nombre des importuns dont elle aurait souhaité de débarrasser sa fille. Lui avait-elle peut-être promis de balayer sa chambre avec ses grandes manches ?
  2. 8. Voyez la note 4 de la lettre 137 et la lettre 159, p. 181.
  3. 9. Dans l’édition de la Haye (1726) : « pour cette barbe incomparable de Grignan. »
  4. 10. Renaud de Sévigné, retiré à Port-Royal des Champs, y passa les dernières années de sa vie dans les exercices de la plus haute piété. Il y mourut le 16 mars 1676, à l’âge de soixante-six ans. Voyez le Nécrologe de Port-Royal des Champs, p. 119.