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1672

250. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 19e février.

Je m’en vais dimanche à Saint-Germain avec Mme de Coulanges, pour discourir un peu avec M. de Pompone : je crois cette conversation nécessaire. Je vous en rendrai compte, afin que M. de Grignan m’appelle plus que jamais son petit ministre. Adhémar a fait des miracles de son côté ; Monsieur d’Uzès du sien : enfin il me semble que nous ne serons point surpris, et que nous avons assez bien pris nos précautions. Mais que vous dirai-je de l’aimable portrait que M. de Grignan a donné à M. de Coulanges ? Il est beau et très-ressemblant ; celui du Fèvre[1] est un misérable auprès de celui-ci. Je fais vœu de ne revenir jamais de Provence que je n’en aie un pareil, et un de vous : il n’y a point de dépense qui me soit si agréable ; mais prenez garde, ma chère fille, de n’être point changée. Enfin Mme de Guerchi[2] n’est morte que pour avoir le corps usé à force d’accoucher. J’honore bien les maris qui se défont de leurs femmes sous prétexte d’en être amoureux.

Nous avons fort causé, Guitaut et moi, de notre ami[3], qui est si sage, et qu’il craint tant. Il n’ose vous mander un accident qu’on croit qui lui est arrivé : c’est d’être passionnément amoureux de la borgnesse, fille du maréchal[4] :

  1. Lettre 250. — 1. Claude le Fèvre, qui a laissé de très-beaux portraits et qui avait peint entre autres ceux de Mme de Sévigné et de Bussy. Il était élève de Lesueur et de Lebrun. Il ne flattait point les traits et n’aimait pas à peindre les femmes avec du fard. Voyez Walckenaer, tome V, p. 453 et 454. — Né en 1633 à Fontainebleau, il mourut à Londres en 1675.
  2. 2. Voyez la note 4 de la lettre 242.
  3. 3. D’Hacqueville.
  4. 4. Du maréchal de Gramont. (Note de Grouvelle.) — Le maréchal