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embrasser, » et l’embrassa fraternellement. Tout ce détail vient de très-bon lieu, et rien n’est plus vrai. Vous pouvez là-dessus faire vos réflexions, tirer vos conséquences[1], et redoubler vos belles passions pour le service du Roi votre maître. On dit que Madame fera le voyage, et que plusieurs dames l’accompagneront. Les sentiments sont divers chez Monsieur : les uns ont le visage allongé d’un demi-pied, d’autres l’ont raccourci d’autant. On dit que celui du chevalier de Beuvron[2] est infini. M. de Navailles[3] revient aussi, et servira de lieutenant général dans l’armée de Monsieur avec M. de Schomberg.

  1. 9. C’est principalement de cette anecdote que s’appuient les critiques qui cherchent à justifier le chevalier de Lorraine d’avoir participé à l’empoisonnement de Madame. Je ne pense pas que les bonnes grâces du Roi rendues au chevalier prouvent que Louis XIV l’ait cru innocent de ce crime. Peut-être n’a-t-il pas su qu’il fût le coupable ; mais, s’il en a été instruit, il a dû, puisqu’il ne le punissait pas, agir comme s’il avait tout ignoré. Les médecins avaient décidé que Madame n’avait pas été empoisonnée ; et pour que la cour d’Angleterre le crût, il fallait que le Roi s’en montrât lui-même convaincu. (Note de l’édition de 1818.) — Voyez sur la mort de Madame la note de M. Chéruel au tome III de Saint-Simon, p. 448-451.
  2. 10. Celui que Saint-Simon accuse d’avoir participé à l’empoisonnement de Madame. — Charles d’Harcourt, « destiné chevalier de Malte et nommé abbé de Coulombs, et qui, ayant embrassé le parti des armes, porta le nom de comte de Beuvron, fut mestre de camp du régiment de cavalerie du duc d’Orléans, et capitaine de ses gardes, et mourut en 1688, sans postérité de Lydie de Rochefort de Téobon, morte… en 1708, âgée de soixante-dix ans. » (Moréri.) Mme de Scudéry, dans sa leitre à Bussy du 15 mars 1678, lui annonce le mariage secret de Mlle de Théobon avec le chevalier de Beuvron.
  3. 11. Philippe de Montault Bénac, duc de Navailles, maréchal de France en 1675, mort, le dernier de sa maison, en 1684, à soixante-cinq ans. Il avait épousé en 1651 Suzanne de Beaudéan, fille du comte de Neuillant, qui fut dame d’honneur de la Reine avant Mme de Montausier, et mourut en 1700. Voyez leur éloge dans Saint-Simon, tome II, p. 309 et suivantes. Le duc et la duchesse de Navailles avaient été disgraciés en juin 1664 : « ils mirent la vertu et l’honneur d’un côté, la colère du Roi, la disgrâce, le dé-