1672
sieur d’Uzès, qui étoit dans une autre maison. Adhémar n’est point encore arrivé.
Je suis en peine de vous savoir à Aix, à cause de la petite vérole qui y étoit. Mon Dieu, qu’on est à plaindre quand on aime beaucoup ! Je vois d’ici la tranquillité où vous étiez à Lambesc toute seule, pendant que votre cœur se reposoit avec le pain et l’eau de la paresse : vous revoilà dans les ragoûts. Votre comparaison n’est nullement ridicule : elle feroit rire, si on rioit ; mais on ne rit pas toujours. Hélas ! ma chère enfant, il y a plus d’un an que je ne vous ai vue ; je sens vivement cette absence ; et vous, ma fille, n’y pensez-vous point quelquefois un petit moment ?
Je ne m’amuserai point, ma belle Comtesse, à vous faire un méchant compliment ; mais je vous assurerai seulement que j’ai été très-affligé de la mort de notre pauvre Chevalier. Je m’en étois si bien trouvé en Provence, et j’espérois m’en si bien trouver partout, que sa perte me touche sensiblement. Hélas ! il vous souvient de notre mariage : qui eût cru qu’il eût été de si peu de durée ? Voilà un beau sujet de méditation pour les jeunes gens, et pour tous nous autres gens plus avancés en âge. Il ne se faut point fier à l’âge ni à la bonne santé : nous sommes tous mortels, et l’heure et le moment sont fort incertains. Je finis par cette moralité un peu triviale, et vous embrasse, s’il vous plaît, ma belle Comtesse, avec le dernier respect et la dernière tendresse.
Je suis très-fâchée de la mort de M. le chevalier de Grignan, Madame ; mais je ne veux point ajouter à votre