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qui venoient de son lait corrompu. Enfin la Providence avoit marqué la fin de sa vie dans les plus belles années de son âge. Voilà des détails bien tristes ; mais, quand on en est touché, on ne cherche point, ce me semble, à s’épargner par l’ignorance de ce qui s’est passé. Je ne devrois point passer ni mêler d’autres discours dans cette lettre ; mais quand vous aurez essuyé vos premières larmes, vous la pourrez reprendre, et vous y verrez ce que nous avons résolu touchant vos affaires.

Nous n’avons reçu qu’hier la lettre que vous avez écrite par le courrier : c’est justement celle dont j’étois en peine ; il n’y en a point eu de perdues. J’ai été une heure avec Monsieur d’Uzès ; mon oncle l’abbé y étoit aussi. Nous avons fort discouru de toutes vos affaires : je suis plus satisfaite que jamais de la prudence et du bon esprit de ce prélat[1]. Vous n’avez qu’à lui envoyer vos pensées toutes crues : en deux heures de réflexion, il voit tout ce qu’il faut faire, ou ne faire pas. Je lui ai montré une lettre que j’ai reçue de M. de Pompone ; il faut que je ménage une conversation entre Monsieur d’Uzès et lui. Le nom de Monsieur d’Uzès est plein de mauvais air présentement[2], cela nous désespère ; il n’ose aller à Saint-Germain ; il ne peut parler à M. Colbert : cela nous coupe la gorge. Il ne veut pas aller brusquement dans cette affaire, parce que, si elle appartient aux députés, il ne faut pas mettre la raison de leur côté, et le tort du nôtre ; car, comme un homme habile, l’Évêque ne prendroit que ce

  1. 2. On peut voir, au tome I de la Correspondance administrative publiée par Depping (Paris, 1850, p. 284), deux lettres de l’évêque d’Uzès à Colbert (novembre et 22 décembre 1672), qui confirment l’éloge que fait ici Mme de Sévigné de la prudence et de l’habileté de ce prélat.
  2. 3. À cause de la petite vérole dont venait de mourir son neveu, le chevalier de Grignan.