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peu mieux : j’espère en sa jeunesse ; la jeunesse revient de loin. Je prie Dieu de tout mon cœur qu’il nous le redonne. Pour Mme la princesse de Conti, elle mourut sept ou huit heures après que j’eus fermé mon paquet ; c’est-à-dire jeudi à quatre heures du matin, sans aucune connoissance, ni sans avoir jamais dit une seule parole de bon sens. Elle appeloit quelquefois Céphise, une femme de chambre, et disoit : « Mon Dieu ! » On croyoit que son esprit allât revenir, mais elle ne disoit pas davantage. Elle expira en faisant un grand cri, et au milieu d’une convulsion qui lui fit imprimer ses doigts dans les bras d’une femme qui la tenoit. La désolation qui fut dans sa chambre ne se peut représenter. Monsieur le Duc, Messieurs les princes de Conti, Mme de Longueville, Mme de Gamaches[1], pleuroient de tout leur cœur. La Gêvres avoit pris le parti des évanouissements ; la Brissac de crier les hauts cris, et de se jeter par la place : il fallut la chasser, parce qu’on ne savoit plus ce qu’on faisoit. Ces deux personnages n’ont pas réussi : qui prouve trop ne prouve rien, dit un certain je ne sais qui. Enfin la douleur est universelle. Le Roi a paru touché, et a fait son panégyrique, en disant qu’elle étoit considérable plus par sa vertu que par la grandeur de sa fortune. Elle laisse par son

  1. 4. Marie-Antoinette, fille de Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne, un des ministres de Louis XIII et de la reine Anne, avait épousé en 1642 Nicolas-Joachim Rouault, marquis de Gamaches, qui devint lieutenant général. « On peut voir son portrait tracé par elle-même dans les Divers portraits de Mademoiselle, avec ceux de son père et de sa mère. Elle n’a point fait de bruit ; toute sa vie s’est écoulée honnête et pieuse. Elle est morte à l’âge de quatre-vingts ans, en 1704. Elle a constamment entretenu avec Mme de Longueville le commerce le plus amical. » (M. Cousin, Mme de Longueville, tome I, p. 175.) — Dans les éditions de 1725 et de 1726, il y a la Guénégaut, au lieu de la Gêvres (voyez la note 17 de la lettre 144).