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soyez reine, nous soupirons. Nous soupirons aussi de la vie qu’on fait ici et à Saint-Germain : tellement qu’on soupire toujours. Vous savez bien que Lauzun, en entrant en prison, dit : In sæcula sæculorum ; et je crois qu’on eût répondu ici en certain endroit, amen, et en d’autres, non. Vraiment, quand il étoit jaloux de votre voisine, il lui crevoit les yeux[1], il lui marchoit sur la main[2] : et que n’a-t-il pas fait à d’autres ? Ah ! quelle folie de faire des péchés de cent dix lieues loin !

Votre enfant est jolie ; elle a un ton de voix qui m’entre dans le cœur ; elle a de petites manières qui plaisent, je m’y amuse et je l’aime ; mais je n’ai pas encore compris que ce degré puisse jamais vous passer par-dessus la tête[3]. Je vous embrasse de toute la plus vive tendresse de mon cœur.


1672

236. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, 8e janvier.

Devinez où je m’en vais tout à l’heure, ma chère bonne : à Livry, et demain dîner à Pompone avec mon

  1. 12. Voyez la lettre 230, p. 440.
  2. 13. « Une après-dînée d’été qu’il (Lauzun) étoit allé à Saint-Cloud, il trouva Madame (Henriette) et sa cour assises à terre sur le parquet, pour se rafraîchir, et Mme de Monaco à demi couchée, une main renversée par terre. Lauzun se met en galanterie avec les dames, et tourne si bien qu’il appuie son talon dans le creux de la main de Mme de Monaco, y fait la pirouette, et s’en va. Mme de Monaco eut la force de ne point crier et de s’en taire. » (Saint-Simon, tome XX, p. 45.) — Voyez aussi la Correspondance de Madame de Bavière, tome I, p. 254.
  3. 14.. Comparez la fin de la lettre 224.