Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 459 —

1672


ridicule. Non, ne craignez rien ; on ne peut l’être avec une si agréable folie ; et de plus, c’est que je me ménage selon les lieux, les temps, et les personnes avec qui je suis ; et il y en a de tels que l’on jureroit que je ne songe guère à vous : ce n’est pas où je suis le plus en liberté.


Je reçois votre lettre du 2e[1]. Vous me déplaisez, ma bonne, en parlant comme vous faites de vos aimables lettres. Quel plaisir prenez-vous à dire du mal de votre esprit[2], à vous comparer à la princesse d’Harcourt[3] ? Où pêchez-vous cette fausse et offensante humilité ? Elle blesse mon cœur, elle offense la justice, elle choque la vérité. Quelles manières ! Ah, ma bonne ! changez-les, je vous en conjure, et voyez les choses comme elles sont. Si cela est, vous n’aurez plus qu’à vous défendre de la vanité, et ce sera une affaire à régler entre votre confesseur et vous.

Votre maigreur me tue. Hélas ! où est le temps que vous ne mangiez qu’une tête de bécasse par jour, et que vous mouriez de peur d’être trop grasse ? Ma bonne, si vous devenez grosse sur ces entrefaites, soyez assurée que vous voilà perdue pour toute votre vie, sans en revenir jamais.

M. de Grignan a bien du caquet ; il commence à gratter du pied, cela me fait grand’peur. S’il succombe à la tentation, ne croyez pas qu’il vous aime. Quand on aime bien, on aime tout, et la beauté qui ne donne aucun chagrin, comme la vôtre, n’est pas une chose à oublier. S’il

  1. 6. Dans l’édition de 1754 : « du 30. »
  2. 7. Après « de votre esprit, » Perrin, dans l’édition de 1754, a ajouté : « de votre style. »
  3. 8. Fille du comte de Brancas le distrait. Voyez la note 6 de la lettre 72.