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et qu’ils la supplioient de se souvenir des bontés que les Rois ses prédécesseurs avoient eues pour eux, auxquelles ils devoient toute leur grandeur. Le Roi prit la parole, et avec une majesté et une grâce merveilleuse, dit « qu’il savoit qu’on excitoit ses ennemis contre lui ; qu’il avoit cru qu’il étoit de sa prudence de ne se pas laisser surprendre, et que c’est ce qui l’avoit obligé de se rendre si puissant sur la mer et sur la terre, afin qu’il fût en état de se défendre ; qu’il lui restoit encore quelques ordres à donner, et qu’au printemps il feroit ce qu’il trouveroit le plus avantageux pour sa gloire et pour le bien de son État ; » et fit un signe de tête à l’ambassadeur, qui lui fit comprendre qu’il ne vouloit pas de réplique. La lettre s’est trouvée conforme au discours de l’ambassadeur, hormis qu’elle finissoit par assurer Sa Majesté qu’ils feroient tout ce qu’elle ordonneroit, pourvu qu’il ne leur en coûtât point de se brouiller avec leurs alliés.

Le même jour, M. de la Feuillade fut reçu à la tête du régiment des gardes[1], et prêta le serment entre les mains d’un maréchal de France (comme c’est la coutume), le Roi présent, qui dit lui-même au régiment qu’il lui donnoit M. de la Feuillade pour mestre de camp, et lui mit la pique à la main[2], chose qui ne se fait jamais que par le commissaire de la part du Roi ; mais Sa Majesté a voulu que nulle faveur ni nul agrément ne manquât à cette cérémonie.

MM. Dangeau et Langlée[3] ont eu de grosses paroles,

  1. 3. Des gardes françaises. Voyez la lettre 217, p. 409.
  2. 4. On prenoit alors la pique en pareille occasion : aujourd’hui c’est l’esponton (sorte de demi-pique que portaient autrefois les officiers d’infanterie). (Note de Perrin.)
  3. 5. Sur « cet homme de rien, » fils d’une femme de chambre de la Reine mère, et la singulière fortune qu’il fit à la cour par son jeu, sa libéralité, la sûreté de son commerce et son bon goût, voyez