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témoignoit aussi pour le jeune Rabutin, qui avoit été son page[1]. Un jour qu’ils se trouvoient tous deux dans sa chambre, Duval ayant dit quelque chose qui manquoit de respect à la princesse, Rabutin mit l’épée à la main pour l’en châtier ; Duval tira aussi la sienne, et la princesse se mettant entre-deux pour les séparer, elle fut blessée légèrement à la gorge. On a arrêté Duval[2], et Rabutin est en fuite ; cela fait grand bruit en ce pays-ci. Quoique le sujet de la noise soit honorable, je n’aime pas qu’on nomme un valet de pied avec Rabutin. Je vous avoue que je ne suis guère humble, et que j’aurois eu une grande joie que vous eussiez fait de notre nom tout ce qui étoit en vos mains. Adieu, mon pauvre Rabutin, non pas celui qui s’est battu contre Duval, mais un autre qui eût bien fait de l’honneur à ses parents, s’il avoit plu à la destinée. Je vous souhaite la continuation de votre philosophie, et à moi celle de votre amitié ; elle ne sauroit périr, quoi que nous puissions faire. Elle est d’une bonne trempe, et le fond en tient à nos os. Ma fille vous fait mille compliments, et mille adieux : elle s’en va au diantre en Provence ; je suis inconsolable de cette séparation. J’embrasse mes chères nièces.


  1. 4. Jean-Louis de Rabutin, né en 1642, descendait du quatrième fils d’Amé de Rabutin, et il était cousin, mais de fort loin, de Mme de Sévigné et de Bussy : voyez dans le tome Ier la Généalogie, p. 341. Il fit, par la suite, une grande fortune et épousa, en 1682, Dorothée-Élisabeth, fille de Philippe-Louis duc de Holstein Wissembourg, de la maison royale de Danemark. En 1699, il eut le commandement des troupes de la Transylvanie, et devint feld-maréchal en 1704. Il mourut en 1717. Voyez sur lui et sur ses deux sœurs les lettres des 16 et 23 mars 1689.
  2. 5. Il fut condamné aux galères. Mme de Sévigné (lettre du 10 avril 1671) le voit à la chaîne des galériens qui part pour Marseille. Une note sur une fable du Recueil de Maurepas dit qu’il mourut empoisonné avant d’arriver aux galères.