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compte en bon lieu avant la fin du jour. Je ne pouvois trouver deux hommes plus propres à mon dessein : c’est la basse et le dessus. Le soir, j’allai chez Monsieur d’Uzès, qui est encore dans sa chambre ; nous parlâmes fort de vos affaires. Nous avions appris les mêmes choses, et le dessein qu’on avoit d’envoyer un ordre pour séparer l’Assemblée, et de leur faire sentir en quelque autre occasion ce que c’est que de ne pas obéir. Ce seroit une chose fâcheuse, car Dieu sait comme on diroit : « Voilà ce que c’est que de n’avoir plus le premier président. » Nous attendons Rippert avec impatience. Le voyage[1] est toujours assuré, et même avancé d’un jour.

J’ai fort songé à M. et à Mme Deville ; leur chute me paroît étrange. On dit que votre maison est orageuse, et qu’on aura conduit cette affaire avec adresse. Il est vrai que les gens qui demandent leur congé serrent le cœur et font voir peu d’affection ; mais c’est la scène du Dépit amoureux, quand on ne le demande que par le désespoir de n’être plus bien avec la princesse[2] — et puis il se fait une pelote de neige : le congé accordé est une douleur qui confirme la première. Peut-être que le grand air de Deville vous a fait résoudre sur-le-champ. Il n’est pas impossible que vous trouviez quelqu’un dans le pays pour remplir sa place ; mais rien ne vous consolera de sa femme. Elle est habile, elle s’entend aux enfants, et même j’ai appris que vous aviez dessein d’en faire la gouvernante de votre fils. C’étoit bien fait : elle est soigneuse, elle est affectionnée, et elle a de l’amour et de la conscience ; elle est ménagère et eût bien conservé tout ce qui eût été sous sa charge. Enfin je ne vous puis dire le regret que j’ai

  1. 2. Le voyage du Roi. Voyez la lettre précédente et celle du 1er janvier suivant.
  2. 3. Voyez le IVe acte du Dépit amoureux de Molière, scènes ii et iii.