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d’en faire un secret, mais on a découvert le mystère ; on a mené ma petite chez M. de Coulanges ; je l’attends pour retourner avec elle, parce que ma tante veut voir mon entrevue. C’eût été une chose fâcheuse pour moi que d’exposer cet enfant, et d’être bannie, durant six semaines, du commerce de mes amis, parce que le fils de Mme de Bonneuil a la petite vérole.

Me voilà donc chez Mme de Sanzei[1] et M. de Coulanges, que j’adore parce qu’il me parle de vous ; mais savez-vous ce qui m’arrive ? c’est que je pleure, et mon cœur se serre si étrangement, que je lui fais signe de se taire, et il se tait. J’ai les yeux rouges, et on parle vitement d’autre chose, à condition pourtant qu’un jour je m’abandonnerai à parler de vous, tant que terre nous pourra porter, aux dépens de tout ce qui en pourra arriver. Il me conte que vous fermiez les yeux, que vous étiez dans ma chambre, et que… certainement, vous étiez à Paris, parce que voilà M. de Coulanges. Il m’a joué cela très-plaisamment, et je suis ravie que vous soyez encore un peu folle ; je mourois de peur que vous ne fussiez toujours Madame la gouvernante. Mon Dieu, que je m’en vais causer avec M. de Coulanges ! Je vous conjure de vous conserver vous-même, c’est-à-dire d’être vous-même le plus que vous pourrez : que je ne vous trouve point changée. Songez aussi à votre beauté ; engraissez-vous, restaurez-vous, souvenez-vous de vos bonnes résolutions ; et si M. de Grignan vous aime, qu’il vous donne du temps pour vous remettre : autrement, c’en est fait pour

    Bonneuil, etc., conseiller au parlement, puis maître des requêtes, intendant en Bourgogne, ambassadeur à Francfort (1681) et à Riswick (1697), mort en avril 1704. Mme de Sévigné appelle ce dernier M. Harlay Bonneuil et ailleurs M. Harlay.

  1. 3. Voyez la note 10 de la lettre 160 — Mme de Sanzei était descendue à Paris chez son frère Emmanuel de Coulanges.