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que me donna cette assurance de votre santé. Je vous conjure de n’en point abuser ; ne m’écrivez point de grandes lettres ; restaurez-vous, et craignez de vous épuiser. Hélas ! mon enfant, vous avez été cruellement malade ; je serois morte de voir un si long travail. On vous saigna enfin, on commençoit d’avoir peur : quand je pense à cet état, j’en suis troublée, et j’en tremble, et je ne puis encore me rendormir sur cette pensée, tant elle m’effraye l’imagination.

J’ai mandé à Mme de la Fayette et à M. d’Hacqueville ce que vous me mandez ; j’eus la même pensée, et je trouvois que la Marans devoit être contente, ou plutôt malcontente, puisqu’elle n’avoit pas sujet d’exercer ses obligeantes et modestes pensées[1] : je trouve plaisant que vous ayez songé à elle. Mais la poste m’attend, comme si j’étois gouvernante du Maine, et je prends plaisir de la faire attendre, par grandeur.

Je veux parler de mon petit garçon. Ah ! ma fille, qu’il est joli ! Ses grands yeux sont bien une marque de votre honnêteté ; mais c’est assez, je vous prie que le nez ne demeure pas longtemps entre la crainte et l’espérance : que cela est plaisamment dit ! Cette incertitude est étrange ; jamais un petit nez n’eut tant à craindre ni à espérer : il y a bien des nez entre les deux, qu’il peut choisir. Puisqu’il a de grands yeux, qu’il songe à vous contenter. Vous n’auriez que la bouche, puisqu’elle est petite ; ce ne seroit pas assez. Ma fille, vous l’aimez follement ; mais donnez-le bien à Dieu, afin qu’il vous le conserve. D’où vient qu’il est si foible ? N’est-ce point ce qui l’empêchoit de s’aider pendant votre travail ? car j’ai ouï dire aux femmes qui ont eu des enfants, que c’est cette foiblesse qui fait qu’on est bien malade. Enfin conservez bien ce

  1. 3. Voyez la Notice, p. 111, et la note 4 de la lettre 131.