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Pour moi, ma chère enfant, n’ayant plus d’inquiétude sur votre compte, je pars dans trois jours. Je ne recevrai plus ici de vos lettres ; j’en aurai à Malicorne. Je ne puis assez vous remercier des petites lignes que vous mettez dans les lettres de ces Grignans.


Et vous, mon cher Comte, je vous plains ; je vois bien que vous n’êtes plus rien auprès de ce petit blondin. Voilà qui remettra la blancheur[1] dans votre maison, qui par malheur s’en étoit un peu éloignée ; mais cependant je vous demande pardon de la comparaison du hibou : il est vrai qu’elle est choquante ; mais j’étois outrée de la préférence que vous faisiez hautement d’une grive à ma fille : si vous vous en repentez, je m’en repentirai aussi. J’ai bien envie de savoir des nouvelles de votre Assemblée ; je voudrois bien que vous y pussiez faire l’affaire du Roi et la vôtre : il seroit fâcheux qu’elle se séparât sans rien conclure. Monsieur de Marseille m’accable de son amitié, et me rend compte de son démêlé avec le Coadjuteur, et de la santé de ma fille. Il a couru à Paris ce démêlé ; on me le mande, comme si je n’avois aucun commerce en Provence : hélas ! c’est mon vrai pays.

Adieu, mon très-cher, et vous, brave Adhémar, et vous, ma très-chère et très-aimable accouchée. Il faut que je vous dise, comme Barillon me disoit un jour : « Ceux qui vous aiment plus que moi vous aiment trop. » Quand on est si loin, on ne fait quasi rien, on ne dit quasi rien, qui ne soit hors de sa place. On pleure quand il faut rire ; on rit quand on devroit pleurer ; on craint pour les jeunes chirurgiens de soixante-quatre ans[2] : enfin, ma

  1. 4. Dans l’une des deux éditions de 1754, on lit balance, au lieu de blancheur.
  2. 5. Voyez la lettre 219, p. 415.