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et qu’elle étoit guérie : Lasciamo la andar, che farà buon viaggio[1].

Vous voyez bien que je vous écris comme à une femme qui sera dans son vingt-deux ou vingt-troisième jour de couche. Je commence même à croire qu’il est temps de faire souvenir M. de Grignan[2] de la parole qu’il m’a donnée. Enfin songez que voici la troisième fois que vous accouchez au mois de novembre ; ce sera au mois de septembre cette fois si vous ne le gouvernez ; demandez-lui cette grâce en faveur du joli présent que vous lui avez fait. Voici encore un autre raisonnement : vous avez beaucoup plus souffert que si on vous avoit rouée ; cela est certain. Ne seroit-il point au désespoir[3], s’il vous aime, que tous les ans vous souffrissiez un pareil supplice ? Ne craint-il point, à la fin, de vous perdre ? Après toutes ces bonnes raisons, je n’ai plus rien à dire, sinon que, par ma foi, je n’irai pas en Provence si vous êtes grosse ; je souhaite que ce lui soit une menace : pour moi, j’en serois désespérée ; mais je soutiendrai la gageure : ce ne sera pas la première fois que je l’aurai soutenue.

Adieu, divine Comtesse ; je baise le petit enfant, je l’aime tendrement ; mais j’aime bien Madame sa mère, et de longtemps ce degré ne lui passera par-dessus la tête[4]. J’ai fort envie de savoir de vos nouvelles, de celles de l’Assemblée, de l’effet de votre baptême : un peu de pa-

  1. 6. Laissons-la aller, elle fera bon voyage. — Tout ce passage, depuis : on vous mandera, manque dans le manuscrit.
  2. 7. Dans le manuscrit : « faire souvenir à M. de Grignan. »
  3. 8. Le chevalier de Perrin a supprimé ce passage, depuis : Je commence même à croire, jusqu’aux mots : Ne seroit-il point au désespoir, qu’il amène ainsi : « Au reste, M. de Grignan n’ignore pas tout ce que vous avez souffert : ne seroit-il point au désespoir… »
  4. 9. La fin de cette phrase, depuis et de longtemps, n’est pas dans le manuscrit ; mais elle se trouve dans l’édition de la Haye (1726), aussi bien que dans celles de Perrin.