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220. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 18e novembre.

Eh mon Dieu ! ma chère enfant, en quel état vous trouvera cette lettre ! Il sera le 28e du mois ; vous serez accouchée, je l’espère, et très-heureusement ; j’ai besoin de me dire souvent ces paroles pour me soutenir le cœur, qui est quelquefois tellement pressé que je ne sais qu’en faire ; mais il est bien naturel d’être comme je suis dans une occasion comme celle-ci. J’attends mes vendredis, et je supplie ceux qui se sont divertis à prendre vos lettres de finir ce jeu jusqu’à ce que vous soyez accouchée. On en veut aussi aux miennes : j’en suis au désespoir ; car vous savez qu’encore que je ne fasse pas grand cas de mes lettres, je veux pourtant toujours que ceux à qui je les écris les reçoivent : ce n’est jamais pour d’autres, ni pour être perdues, que je les écris. J’ai donc regret à tout ce que vous ne recevez pas. Quelle vision de prendre une de mes lettres ! Il me semble que nous sommes à un degré de parenté qui ne donne point de curiosité : voilà qui est insupportable ; n’en parlons plus. De la façon dont M. d’Hacqueville m’écrit, Mme de Montausier est morte ; il l’avoit laissée à l’agonie. S’il faut écrire à M. de Montausier et à Mme de Crussol[1], me voilà plus empêchée que quand Adhémar écrivit au Roi et aux ministres. Je ne saurois plus écrire depuis que mes lettres ne vont point à vous ; me voilà demeurée tout court. Je songe quelquefois que, pendant que je me creuse la tête, on tire peut-être le canon, on est aise, on se réjouit pour votre accouchement. Cela peut être,

  1. Lettre 220. — 1. Fille de Mme de Montausier. Voyez la note 8 de la lettre 152.