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vendredi, j’allai chez elle ; je la trouvai dans son lit ; elle redoubla ses cris en me voyant ; elle m’appela, m’embrassa, et me mouilla toute de ses larmes. Elle me dit : « Hélas ! vous souvient-il de ce que vous me dîtes hier ? Ah ! quelle cruelle prudence ! ah ! la prudence ! » Elle me fit pleurer à force de pleurer. J’y suis encore retournée deux fois ; elle est fort affligée, et m’a toujours traitée comme une personne qui sentoit ses douleurs ; elle ne s’est pas trompée. J’ai retrouvé dans cette occasion des sentiments qu’on ne sent guère pour des personnes d’un tel rang[1]. Ceci entre nous deux et Mme de Coulanges ; car vous jugez bien que cette causerie seroit entièrement ridicule avec d’autres. Adieu.


1670

127. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 16e janvier.

Hélas ! je l’ai encore cette pauvre enfant, et quoi qu’elle ait pu faire, il n’a pas été en son pouvoir de partir le 10e de ce mois, comme elle en avoit le dessein. Les pluies ont été et sont encore si excessives, qu’il y auroit eu de la folie à se hasarder. Toutes les rivières sont débordées ; tous les grands chemins sont noyés ; toutes les ornières

  1. 4. On pouvait conclure de l’ancien texte des Mémoires de Mademoiselle, qu’elle n’avait pas trouvé d’abord chez Mme de Sévigné la même sympathie et qu’elle avait eu à se plaindre de ses propos. Il y est dit que Mmes de Sévigné et de la Fayette répétaient partout que sa conduite était à condamner, et qu’en parlant ainsi elles voulaient faire leur cour à Mme de Longueville. Le nouveau texte publié par M. Chéruel reproche bien toujours aux deux amies de faire leur cour à la sœur de Monsieur le Prince ; mais au sujet du mariage il leur fait dire seulement que la chose leur paraît (comme à tout le monde) extraordinaire. Voyez le tome IV des Mémoires, p. 241.