Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 411 —

1671


avec de grandes impatiences : voilà comme je suis à toujours pousser le temps avec l’épaule, et c’est ce que je n’aimois point à faire, et que je n’avois fait de ma vie, trouvant toujours que le temps marche assez, sans qu’on le hâte d’aller.

Mme de la Fayette me mande qu’elle vous va écrire. Je crois qu’elle n’aura pas manqué de vous apprendre que la M***[1] entra l’autre jour chez la Reine à la comédie espagnole, tout effarée, ayant perdu la tramontane dès le premier pas. Elle prit la place de Mme du Fresnoi[2] ; on se moqua d’elle, comme d’une folle très-mal apprise.

L’autre jour Pomenars passa par ici. Il venoit de Laval, où il trouva une grande assemblée de peuple ; il demanda ce que c’étoit. « C’est, lui dit-on, que l’on pend en effigie un gentilhomme qui avoit enlevé la fille de M. le comte de Créance[3]. »

Cet homme-là, Sire, c’étoit lui-même[4].

Il approcha, il trouva que le peintre l’avoit mal habillé ; il s’en plaignit ; il alla souper et coucher chez le juge qui l’avoit condamné. Le lendemain il vint ici pâmant de rire ; il en partit cependant dès le grand matin, le jour d’après.

  1. Lettre 218. — 1. Dans l’édition de 1754, la première qui donne cette lettre, il n’y a que l’initiale. Grouvelle, et, d’après lui, les éditeurs suivants, ont imprimé la Marans.
  2. 2. Elle se nommait de Moresant et était, dit la Fare, fille d’un apothicaire. Elie du Fresnoi, son mari, était premier commis de Louvois, et le devint de Barbezieux. Elle fut maîtresse de Louvois, qui fit créer pour elle en 1673 la charge de dame du lit de la Reine : voyez les Mémoires de la Fare, tome LXV, p. 224. Sa fille épousa en 1680 Jean d’Alègre, marquis de Beauvoir, dont elle eut aussi une fille, mariée en 1710 au célèbre comte de Boulainvilliers.
  3. 3. Voyez les notes 2 et 15 de la lettre 188.
  4. 4. Il y a dans l’épître de Marot au Roi, pour avoir été dérobé

    Ce monsieur-là, Sire, c’étoit moi-même.