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Ce qui s’appelle chercher dans le fond du cœur avec une lanterne, c’est ce qu’il fait ; il nous découvre ce que nous sentons tous les jours, et que nous n’avons pas l’esprit de démêler, ou la sincérité d’avouer ; en un mot, je n’ai jamais vu écrire comme ces Messieurs-là. Sans la consolation de la lecture, nous mourrions d’ennui présentement ; il pleut sans cesse : il ne vous en faut pas dire davantage pour vous représenter notre tristesse. Mais vous qui avez un soleil que j’envie, je vous plains, ma bonne, d’avoir quitté votre Grignan : il y fait beau, vous y étiez en liberté avec une bonne compagnie, et au milieu de l’automne vous le quittez pour vous enfermer dans une petite ville ; cela me blesse l’imagination. M. de Grignan ne pouvoit-il pas différer son Assemblée ? N’en est-il pas le maître ? Et ce pauvre Coulanges, qu’est-il devenu ? Notre solitude nous fait la tête si creuse, que nous nous faisons des affaires de tout. Les lettres et les réponses font de l’occupation ; mais il y a du temps de reste ; je lis et relis les vôtres avec un plaisir et une tendresse que je souhaite que vous puissiez imaginer, car je ne vous la saurois dire ; il y en a une dans vos dernières que j’ai le bonheur de croire, et qui soutient ma vie.

On me mande toujours des merveilles de ma petite mie ; elle a grand’part à l’impatience que j’ai de retourner à Paris. Je n’ose vous parler du bonheur de Louvigny[1] qui traite avec le Roi de la charge de son père : c’est une sorte d’établissement qui n’est pas bon à méditer. Mandez-moi des nouvelles de cette pauvre Monaco, mais surtout de votre santé, de vos affaires. Voilà ce qui me tient à cœur souverainement. Notre abbé est trop glorieux de toutes les douceurs que vous lui mandez. Je suis contente de lui sur votre sujet.

  1. 4. Voyez la note 8 de la lettre du 14 octobre 1671.