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nassent autant de joie que les vôtres m’en donnent. Ma chère enfant, je vous embrasse mille fois.


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206. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 27e septembre.

Je le veux, ma bonne, ne parlons plus de la perte de nos lettres ; cela ennuie de toute façon : je n’ai pas trop de peine à m’en taire présentement, car, Dieu merci, je les reçois depuis un mois comme je le puis souhaiter, et vous pouvez m’écrire un peu plus franchement qu’à celui qui les avoit prises, et que vous croyiez toujours entretenir quand vous m’écriviez. Cependant, ma bonne, vous voulez fort bien qu’il sache que vous m’aimez, vous ne lui celez rien là-dessus, et vous en parlez, ce me semble, sans crainte d’être entendue. Ce que vous me dites à ce sujet me remplit le cœur. Je vous avoue que je vous crois, et que cette confiance fait l’unique douceur de ma vie et le but de tous mes désirs. Elle est accompagnée de plusieurs amertumes ; mais enfin ce sont des suites nécessaires. Quand on ne souffre que par la tendresse, on trouve de la patience. Je finis toujours ce chapitre le plus tôt que je puis ; je ne le finirois point, si je n’avois un soin extrême de finir.

Je suis ravie, ma bonne, que vous ayez une belle-sœur aimable, et qui vous puisse servir de compagnie et de consolation ; c’est une chose que je vous souhaite à tous moments, et personne n’a plus de besoin que vous d’une société agréable. Sans cela, vous vous creusez l’esprit[1]

  1. Lettre 206. — 1. Dans l’édition de Rouen (1726) : « vous vous détruisez l’esprit. »