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Je poursuis cette Morale de Nicole que je trouve délicieuse ; elle ne m’a encore donné aucune leçon contre la pluie, mais j’en attends, car j’y trouve tout ; et la conformité à la volonté de Dieu me pourroit suffire, si je ne voulois un remède spécifique. Enfin je trouve ce livre admirable. Personne n’a écrit sur ce ton que ces Messieurs, car je mets Pascal de moitié à tout ce qui est de beau. On aime tant à entendre parler de soi et de ses sentiments, que, quoique ce soit en mal, nous en sommes charmés. J’ai même pardonné l’enflure du cœur[1] en faveur du reste, et je maintiens qu’il n’y a point d’autre mot pour expliquer la vanité et l’orgueil, qui sont proprement du vent : cherchez un autre mot. J’achèverai cette lecture avec plaisir.

Nous lisons aussi l’histoire de France depuis le roi Jean : je veux la débrouiller dans ma tête, au moins autant que l’histoire romaine, où je n’ai ni parents, ni amis ; encore trouve-t-on ici des noms de connoissance. Enfin, tant que nous aurons des livres, nous ne nous pendrons point. Vous jugez bien qu’avec cette humeur je ne suis point désagréable à notre Mousse. Nous avons pour la dévotion ce recueil des lettres de M. de Saint-Cyran, que M. d’Andilly vous envoie, et que vous trouverez admirable. Voilà, ma bonne, tout ce que vous peut dire une vraie solitaire.

On me mande que Mme de Verneuil est très-malade. Le Roi causa une demi-heure avec le bonhomme d’Andilly[2], aussi plaisamment, aussi bonnement, aussi

  1. 3. Voyez plus haut, p. 329.
  2. 4. Le Roi ayant déclaré le 6 septembre qu’il choisissait Pompone pour secrétaire d’État, quelques courtisans dirent que M. d’Andilly ne manquerait sans doute pas de venir rendre grâce au Roi. Louis XIV dit qu’il le croyait. Il fallut cette espèce d’ordre pour ramener d’Andilly à la cour après une absence de vingt-six ans. Voyez à la suite