Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 355 —

1671


reçu les deux lettres d’affaires : il n’y a pas de plaisir à perdre ce qui se dit là-dessus. Notre abbé est inconsolable, et se plaignoit de votre silence. La lettre que vous lui avez écrite et qu’il n’a point reçue l’afflige très-véritablement. Il vaudroit mieux qu’elle fût encore où est sa réponse que d’être entre les mains de qui n’a point besoin de ces sortes de détails. Enfin je sens tous les chagrins que cela peut donner ; mais la peur que vous avez eue, ma bonne, et qui vous oblige à garder le lit, m’en fait bien plus qu’à vous. Je suis persuadée que rien ne vous est si contraire que ces sortes d’émotions. Je vous en parlois l’autre jour dans une de mes lettres[1] comme de la chose du monde que vous devez le plus éviter. Ce fut l’unique sujet du malheur qui vous arriva à Livry ; et si c’étoit encore le même Chevalier, il ne mourroit que de ma main. Vous deviez bien me mander ce qui vous avoit effrayée ; songez qu’il faut que je sois huit jours sans savoir ce que votre sagesse aura produit. Je vous en remercie et suis assurée qu’en gardant votre lit, vous pensez à moi. Notre Coadjuteur m’a écrit des merveilles, mais je ne suis pas d’assez bonne humeur pour lui répondre ; la main droite est plus embarrassée par le chagrin de l’esprit, que par la goutte de la main gauche. Quoiqu’il m’explique fort nettement la relation qu’il y a de l’un à l’autre, j’ai été tentée, au bout de son raisonnement, de dire comme à la farce de Molière[2], après un discours à peu près de la même force : « Et c’est cela qui fait que votre fille est muette. » Des comédiens de campagne l’ont jouée parfaitement bien à Vitré, où on pensa pâmer de

  1. Lettre 202 (revue sur une ancienne copie). — 1. Voyez plus haut, p. 320, 324, 346.
  2. 2. Le Médecin malgré lui (acte II, scène VI). Perrin n’a pas trouvé la citation assez exacte et a tenu à rétablir le vrai texte de Molière : « Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette. »