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sont arrivés, ou, pour mieux dire, ici[1] ; car c’étoit en se souvenant de vous y avoir vue, qu’on se plaignoit de ne vous y voir plus. Pour moi, je ne m’accoutume point qu’on m’ait ôté ma fille, qu’on me l’ait enlevée et emmenée si loin. Il ne faut pas moins d’estime et d’amitié que j’en ai pour M. de Grignan, pour le souffrir, ni moins être persuadée de la tendresse qu’ils ont pour vous, pour ne pas succomber à tous moments à cette pensée. Savez-vous que je vous aime plus que ma vie ?


1671

202. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE L’ABBÉ
DE COULANGES À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 13e septembre.

Enfin voilà deux de vos lettres que je reçois à la fois ; c’est ainsi que je devrois toujours les recevoir, et il s’en faut bien que je n’aie réglément cette joie, sans que ni moi, ni le petit Dubois, nous puissions encore savoir ni pourquoi ni comment je les reçois quelquefois, ni pourquoi je ne les reçois pas. Il tâche à me démêler ce mystère ; cependant j’ai bien perdu de vos lettres, et c’est une étrange perte pour moi. Je crois que vous aimez mes lettres, mais c’est une chose bien précieuse pour moi que les vôtres. Il y a de l’esprit, de l’agrément, du bon sens, de la tendresse, et le tout d’un style qui me touche et qui me plaît : enfin je puis dire que

Rien ne peut réparer les biens que j’ai perdus !

C’est une chose aussi bien désagréable de n’avoir pas

  1. 11. Perrin a suppléé l’ellipse : « ou, pour mieux dire, nous avions affaire ici. »