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demeuré à Vitré pour faire son entrée à Rennes, et qui est présentement le gouverneur de la province par l’absence de M. de Chaulnes. Il n’est plus suffoqué par sa présence, de sorte que les trompettes, les gardes, tout est étalé. Il est venu me voir en cet équipage, avec vingt gentilshommes de cortège. Le tout ensemble faisoit un véritable escadron : dans ce nombre étoient des Locmaria, des Coëtlogon, des abbés de Feuquières[1], et plusieurs qui ne s’estiment pas moins que les autres. On s’est promené, on a mangé légèrement, et le comte des Chapelles, que j’ai amené de Vitré, m’a aidé à faire les honneurs. Le voilà qui a bien la mine de vous dire lui-même combien nous parlons de vous, et combien toutes choses nous en font souvenir. Nous sentons plus que jamais que la mémoire est dans le cœur ; car, quand elle ne nous vient point de cet endroit, nous n’en avons pas plus que des lièvres. Nous avons trouvé un petit rond de bois, où, entre plusieurs belles choses que vous avez écrites, nous avons vu :

Dieux ! que j’aime la tigrerie !
C’est le métier des beaux esprits[2].

Nous vous prions de nous mander si cette vertu n’est point un peu endormie en vous, par le peu d’occupation que vous lui donnez (nous ne voyons pas bien sur qui vous la pourriez exercer), si cela fait espérer que vous en perdrez l’habitude.

  1. 3. Sans doute François, abbé des Relecqs (dans le diocèse de Saint-Pol-de-Léon), et grand doyen de Verdun, mort en 1691 à soixante-quinze ans. Il était fils de Manassès de Pas, marquis de Feuquières (mort à Thionville en 1640), et d’Anne Arnauld de Corbeville (cousine germaine d’Arnauld d’Andilly), et oncle d’Antoine de Pas, marquis de Feuquières, auteur des Mémoires sur le guerre.
  2. 4. Ces mots sont ainsi détachés dans le manuscrit, et disposés comme deux vers.