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il n’est pas de même pour elle. Le comte des Chapelles[1] est ravi de ce que vous avez mis de lui dans ma lettre. Nous parlons sans cesse de vous, lui et Pomenars. Il[2] vous mande que sa hardiesse est encore augmentée, et qu’il ne peut jamais être pendu, puisqu’il ne l’a point été. L’abbé vient quelquefois dîner ici avec la Mousse, qui n’est nullement embarrassé de tout ceci. Je l’ai si bien fait valoir partout, et chez Mme de Chaulnes, et chez M. Boucherat, et chez l’évêque de Léon, qu’il y est comme chez moi. Il parle des petites parties[3] avec cet évêque, qui est cartésien à brûler ; mais, dans le même feu, il soutient aussi que les bêtes pensent[4]. Voilà mon homme ; il est très-savant là-dessus ; il a été aussi loin qu’on peut aller dans cette philosophie, et Monsieur le Prince en est demeuré à son avis. Leurs disputes me divertissent fort.

On me mande que notre petite est fort jolie : elle me divertira bien cet hiver chez moi. Adieu, ma très-chère enfant ; ma plume me fait enrager, je finis, je vous embrasse.

La petite Deville me mande que vous êtes belle. Mon Dieu ! qu’il m’ennuie de ne vous point voir, et quelle ex-

  1. 5. Voyez la note 7 de la lettre 193.
  2. 6. Perrin a remplacé le pronom il par ce dernier.
  3. 7. Voyez dans la iiie partie des Principes de la philosophie de Descartes, traduits en françois par un de ses amis, la théorie des tourbillons, où ces deux mots (petites parties) se rencontrent presque à chaque page.
  4. 8. Descartes, comme l’on sait, prétendait :

          Que la bête est une machine,
    Qu’en elle tout se fait sans choix et par ressorts :
    Nul sentiment, point d’âme ; en elle tout est corps.
          Telle est la montre qui chemine
    À pas toujours égaux, aveugle et sans dessein.


    (La Fontaine, livre X, fable 1re.)