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une belle digression : vous n’êtes guère en état d’en faire, vous, pauvre personne, qui êtes toujours occupée. Votre souvenir est au-dessus des distractions ; c’est lui qui les fait aux autres. Vous êtes au-dessus de tout ce qui m’étonne ; vous êtes au-dessus du vent et des nuages. Nos états ont beau crier, danser, boire : votre idée se sait toujours faire place. Il y a ici de grandes fronderies ; mais cela s’apaise dans vingt-quatre heures, et j’espère que dans trois jours tout sera fini : je le souhaite beaucoup.

Je n’ose plus aller aux Rochers : on en a trouvé les chemins ; il y avoit dimanche cinq carrosses à six chevaux. Je meurs d’envie d’être retournée dans ma solitude ; on la trouve belle ; Combourg[1] n’est pas si beau. Il ne faut pas que vous croyiez que nos maisons de Bretagne soient comme Grignan, il s’en faut beaucoup. Le petit Locmaria, sans tourner autour du pot, a tout l’air de Termes[2], sa danse, sa révérence, mettre et ôter son chapeau, sa taille, sa tête : voyez si ce petit vilain-là n’est pas assez joli. La Murinette beauté le voudroit bien épouser[3] ; mais

  1. 2. Combourg est un ancien château, flanqué de grosses tours, sur la route de Dol à Rennes. C’était la principale habitation de la famille de Chateaubriand, dont plusieurs branches l’avaient possédé par des mariages avec les Coetquen. Voyez le tome I des Mémoires d’Outre-Tombe (1849, 1re édition), particulièrement p. 43 ; 102 et suivantes ; 193 et suivantes ; 266 et suivantes.
  2. 3. Roger de Pardaillan de Gondrin, marquis de Termes, fils d’un frère du marquis de Montespan (César-Auguste, qui fut premier gentilhomme de la chambre de Gaston). Il fut compromis dans l’affaire des poisons et mourut en 1704. Mme de Sévigné paraît avoir, comme Boileau (voyez le Bolæana, 1742, p. 141), goûté sa conversation. Il vint aux Rochers en 1690. Voyez les lettres datées de Vichy le 4 septembre et le 15 octobre 1677, et la lettre du 22 juin 1690. Sur les agréments de sa personne, son esprit, sa belle voix, et sur le mépris où il était tombé à la cour, voyez les Mémoires de Saint-Simon, tome IV, p. 243 et suivante. Voyez aussi la lettre du 27 décembre 1684.
  3. 4. Elle épousa en 1674 le marquis de Kerman. Voyez la note 3 de la lettre 186.