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ce matin. Le contrat de notre province avec le Roi fut signé vendredi ; mais auparavant on donna deux mille louis d’or à Mme de Chaulnes, et beaucoup d’autres présents. Ce n’est point que nous soyons riches ; mais c’est que nous avons du courage, c’est que nous sommes honnêtes, et qu’entre midi et une heure nous ne savons point refuser nos amis ; c’est l’heure du berger : les vapeurs de vos fleurs d’orange ne font pas de si bons effets. Je ne sais pas comme vous vous portez ; mais votre santé est bue tous les jours par plus de cent gentilshommes qui ne vous ont jamais vue, et qui ne vous verront jamais ; ceux qui vous ont vue ne sont pas ceux qui célèbrent le mieux votre santé. Lavardin et le comte des Chapelles ont fait des bouts-rimés que je leur ai donnés, qui sont très-jolis et que je vous enverrai. Vous serez bien aise de savoir aussi que l’autre jour M. de Bruquenvert dansa très-bien le passe-pied avec Mlle de Kerikinili. Voilà de ces choses que vous ne devez pas ignorer : ne m’attaquez pas sur les noms, j’y suis forte présentement.

Les grandeurs de province sont ici dans leur lustre ; de sorte que l’autre jour la beauté de la charge de M. de Grignan fut admirée et enviée : être seul est une chose qui charme fort. M. de Molac, qui est accablé par M. de Lavardin, M. de Lavardin par M. de Chaulnes, et les lieutenants de Roi par les lieutenants généraux, envient bien ce bonheur. On vouloit aussi, dans l’humeur de faire des présents, proposer aux états de donner dix mille écus à M. et à Mme de Grignan. M. de Chaulnes soutenoit qu’ils écouteroient la proposition ; d’autres, qu’ils le feroient. Enfin nous en demeurâmes à l’envie d’en faire courir le bruit sourdement, faire murmurer quelques bas Bretons, et puis les radoucir à table, et leur faire promettre de le proposer.

Mais que dites-vous de M. de Coulanges qui s’en va