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Parlons un peu de votre sang que vous dites qui n’est point échauffé. J’en suis bien aise pour une raison, et j’en suis fâchée pour une autre : c’est qu’il y a moins de remède ; et puisque c’est l’air, et qu’il faudroit changer de place aux brouillards, et mettre au-dessus de votre tête ce qui est au-dessous de vos pieds[1], je ne vois pas trop bien quel remède je pourrois apporter à ce malheur ; j’en sais un pourtant, dont j’espère que vous vous servirez quand j’irai en Provence. C’est un grand déplaisir que votre beau teint ne puisse pas soutenir l’air de Provence. Autrefois, dans ma jeunesse, l’air de Nantes, un peu mêlé de celui de la mer, me perdoit tout le mien. En un mot, ma chère enfant, c’est un bon air que celui de l’Île-de-France : celui de Vitré tue tout le monde ; le serein du Parc[2] est une chose que je ne soutiens pas, moi qui soutenois sans trembler tout celui de Livry ; aussi tout le monde y tombe malade.

M. de Chaulnes se porte bien mieux. Ils partiront tous devant qu’il soit six jours : la compagnie est belle et bonne ; mais c’est avec une grande joie qu’on se sépare.

Je revins ici vendredi voir un peu mon abbé, ma Mousse et mes bois. Aujourd’hui j’attends Monsieur de Rennes[3] et trois autres évêques à dîner ; je leur donnerai une pièce de bœuf salé. Après le dîner, Mme de Chaulnes me vient reprendre pour me remener à Vitré dire adieu à la seigneurie. M. Boucherat, M. le premier président et la voiture complète de magistrats doivent venir aussi. Comme ils m’emmèneront, et que je n’aurai plus le temps de fermer mes lettres, je les vais cacheter dès

  1. Lettre 198 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. À cause de la situation de Grignan, dont le château est fort élevé. (Note de Perrin.)
  2. 2. C’est la promenade de Vitré. Elle est plantée de vieux hêtres.
  3. 3. Voyez la note 3 de la lettre 193.