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peine de rien ; ôtez ce petit soin de votre esprit, vous en avez assez d’autres.

Mme de Villars est très-contente de votre lettre. Elle croit que c’est une réponse à une qu’elle vous a écrite par une autre voie ridicule, c’est-à-dire tout droit de Paris, de sorte qu’elle ne se servira pas si tôt de celle que je lui avois offerte.

Voilà, ma bonne, tout ce que je vous écrirai d’ici ; peut-être que tantôt je dirai encore quelque chose en fermant mon paquet. Quoi qu’il en soit, ma très-aimable bonne, vous savez bien que je suis toute à vous, mais dans la vérité, et nullement par manière de parler.


Je veux vous parler d’un bal qu’il y eut hier : hors les grands bals que nous avons vus, on n’en peut faire un plus joli. Plusieurs beautés de basse Bretagne y brilloient. Connoîtriez-vous Mlle de Lannion[1] ? C’est une très-belle fille, qui danse très-bien : elle a un amant qu’elle va épouser ; il étoit derrière elle ; mais M. de Rohan[2], qui la trouve belle de l’année passée, s’est pendu à son oreille d’une si étrange façon, et elle s’est fichée dans ses cheveux[3] d’une si extraordinaire manière, que l’amant a quitté la place. La demoiselle ne s’en est point émue ; sa mère lui faisoit des yeux, point de nouvelles ; enfin elle a donné dans la seigneurie à bride abat-

  1. 2. Peut-être l’aînée et la seule mariée des six sœurs du comte de Lannion (mort en 1727, à soixante-quinze ans, lieutenant général des armées et gouverneur de Saint-Malo) : Louise-Renée, fille de Claude, comte de Lannion, gouverneur de Vannes. Elle épousa en 1674 Barthélemy-Hyacinthe-Anne le Sénéchal, marquis de Kercado. —On lit Mlle de Lanion dans les éditions de 1726. Le nom est en blanc dans celle de 1734 ; il n’y a que l’initiale L** dans l’édition de 1754.
  2. 3. Voyez la note 6 de la lettre 191.
  3. 4. Perrin a ajouté : « pour lui répondre. »