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1671

Vous serez aise de voir Mme de Senneterre[1] : embrassez-la pour moi ; elle le voudra bien. Notre abbé vous aime chèrement et voudroit bien vous servir. Pour moi, ma bonne, que ne voudrois-je point ? Peut-on aimer quelqu’un, peut-on penser à une personne, autant que je vous aime et que je pense à vous ? Tonquedec m’a fait jurer de vous faire ses baisemains, et encore plus à M. de Grignan : il se vante de l’aimer de tout son cœur. Mandez-moi un mot de lui, je le lui ferai savoir en basse Bretagne. Il n’est pas assez heureux pour être changé, et, comme vous savez, je ne l’avois pas vu depuis la vallée de Josaphat[2] : c’étoit assez pour avoir mis du plomb dans sa tête ; mais il y a des têtes qui ne se lestent jamais.

M. d’Harouys est aussi étonné que vous de l’aventure de Mme de Lyonne[3]. Votre raisonnement est bon ; mais quoique son mari fût accoutumé d’être cocu pour lui, il ne l’étoit pas pour son gendre ; et c’est ce qui l’a fait éclater, car vous savez bien l’honnête métier de la mère.

Vous avez fait des merveilles d’écrire à Mme de Lavardin : je le souhaitois, vous avez prévenu mes desirs.

Voilà tout présentement le laquais de l’abbé qui, se jouant comme un jeune chien avec l’aimable Jacquine, l’a jetée par terre, lui a rompu le bras, et démis le poi-

  1. 13. Voyez la note 6 de la lettre 169.
  2. 14. C’est-à-dire depuis la scène qui avait eu lieu chez Mme de Sévigné au mois de juin 1652, entre le duc de Rohan et le marquis de Tonquedec. Voyez la Notice, p. 58 et suivante.
  3. 15. Voyez la lettre du 2 août 1671, p. 305. — À la ligne suivante, il y a une faute étrange dans l’édition de la Haye : « Quoique son mari fût accoutumé d’être cœur pour lui. » — Le chevalier de Perrin, dans ses deux éditions, ne donne que l’initiale Mme de L***, puis il adoucit ainsi la suite : « Quoique le mari fût accoutumé à sa propre disgrâce, il ne l’étoit pas à celle de son gendre. » Plus loin il a gardé les mots « l’honnête métier, » et s’est montré, contre son ordinaire, moins scrupuleux que l’éditeur de Rouen (1726), qui y a substitué « l’humeur complaisante et même serviable de la mère. »