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cent mille livres, et voilà qui est fait. Du reste, M. le gouverneur aura cinquante mille écus, M. de Lavardin quatre-vingt mille francs, le reste des officiers à proportion : le tout pour deux ans. Il faut croire qu’il passe autant de vin dans le corps de nos Bretons, que d’eau sous les ponts, puisqu’on prend là-dessus l’infinité d’argent qui se donne à tous les états.

Vous voilà, Dieu merci, bien instruite de votre bon pays ; mais je n’ai point de vos lettres, et par conséquent point de réponse à vous faire : ainsi je vous parle tout naturellement de ce que je vois, et de ce que j’entends. Pomenars est divin : il n’y a point d’homme à qui je souhaitasse plus volontiers deux têtes ; jamais la sienne n’ira jusqu’au bout. Pour moi, ma fille, je voudrois déjà être au bout de la semaine, afin de quitter généreusement tous les honneurs de ce monde, et pour jouir de moi-même aux Rochers. Adieu, ma très-chère bonne, j’attends toujours vos lettres avec impatience ; votre santé est un point qui me touche de bien près : je crois que vous en êtes persuadée, et que, sans donner dans la justice de croire, je puis finir ma lettre et dormir en repos sur ce que vous pensez de mon amitié pour vous. Ne direz-vous point à M. de Grignan que je l’embrasse de tout mon cœur[1] aussi bien que vous, ma chère bonne ?


1671

194 — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Vitré, dimanche 16e août.

Quoi ! ma bonne, vous avez pensé brûler, et vous voulez que je ne m’en effraye pas ! Vous voulez accou-

  1. 10. Voyez la lettre précédente, p. 315.