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qui n’est pas une chose possible, ni même dans l’ordre de Dieu, il faudroit toujours que ma petite fût par-dessus le marché : ce sont mes petites entrailles, c’est le trop-plein de la tendresse que j’ai pour vous.

Ma tante l’a été voir ; elle aura cet été une robe ; elle est jolie et belle, et sa nourrice a trop de lait. Mais voici une chose qui m’a bien étonnée : c’est qu’enfin Mme de Lavardin ne se dérange point ; elle garde sa maison à Paris ; on l’a vue, elle prend courage ; et pour son fils, il est à Vitré qui tient deux tables et qui pour gagner les cœurs rit et chante comme si de rien n’étoit[1]. Je le fus voir l’autre jour ; je croyois qu’il se jetteroit à mon cou tout en larmes : point du tout ; j’étois plus affligée que lui ; nous causâmes raisonnablement, et je lui laissai l’abbé et la Mousse à dîner, qui en revinrent tout pleins de bons raisonnements.

Pour moi, j’allai dîner mercredi chez M. de Chaulnes, qui fait tenir les états deux fois le jour, de peur qu’on ne me vienne voir. Je n’ose vous dire les honneurs qu’on me fait dans ces états : cela est ridicule. Cependant je n’y ai point encore couché, et je ne puis quitter mes bois et mes promenades, quelque prière que l’on m’en fasse. Il y a quatre jours que je suis ici. Il fait un si beau temps que je ne puis me renfermer dans une petite ville. Mais, ma bonne, qui vous accouchera, si vous accouchez à Grignan ? Le secours viendra-t-il de loin ? N’oubliez pas du moins comme vous accouchâtes la dernière fois, et n’oubliez pas ce qui vous arriva la première, ni le besoin que vous eûtes d’un homme habile et hardi. Vous êtes quelquefois en peine comment vous pourrez faire

  1. 2. Ils venaient de perdre l’une son beau-frère, l’autre son oncle, l’évêque du Mans. Voyez la lettre du 2 août précédent, p. 304 et suivante.