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compte comme un amusement tendre et agréable de la voir cet hiver au coin de mon feu. Je vous conjure, ma bonne, de me laisser prendre ce petit plaisir. J’aurai d’ailleurs de si vives inquiétudes pour vous, qu’il est juste que, dans les jours où j’aurai quelque repos, je trouve cette espèce de petite consolation. Voilà donc qui est fait : nous parlerons de son voyage quand je serai sur le point de faire le mien. Je viens d’en faire un dans mon petit galimatias, c’est-à-dire mon labyrinthe, où votre aimable et chère idée m’a tenu fidèle compagnie. Je vous avoue que c’est un de mes plaisirs que de me promener toute seule ; je trouve quelques labyrinthes de pensées dont on a peine à sortir ; mais on a du moins la liberté de penser à ce que l’on veut. Si vous étiez, ma bonne, aussi heureuse en toutes choses que je le souhaite, votre état seroit bien digne d’envie. Adieu, ma chère petite. Ah ! qu’il m’ennuie de ne vous point voir ! et que cette pensée me fait souvent rougir mes petits yeux ! J’embrasse votre époux.


1671

190. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 2e août.

Vous avez donc, ma bonne, chez vous, présentement, toute la foire de Beaucaire[1]. N’avez-vous point encore mis l’habileté de vous défaire des équipages dans le nombre des merveilles que vous faites en Provence ? Nos pères avoient bon esprit de nourrir tous les trains ! c’est une belle mode à présent dont tout le monde s’est tiré. Elle

  1. Lettre 190. — I. La foire de Beaucaire commence le 22 juillet, jour de sainte Madeleine, et dure huit jours.