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homme étoit suivi d’une femme fort bien faite qui rioit aussi ; et moi, je me mis à rire sans les reconnoître et sans savoir ce qui les faisoit rire. Comme j’attendois aujourd’hui Mme de Chaulnes, qui doit passer deux jours ici, j’avois beau regarder, je ne pouvois comprendre que ce fût elle. C’étoit elle pourtant, qui m’amenoit Pomenars, qui en arrivant à Vitré lui avoit mis dans la tête de venir me surprendre. La Murinette beauté étoit de la partie, et la gaieté de Pomenars étoit si extrême, qu’il auroit réjoui la tristesse même. D’abord ils ont joué au volant ; Mme de Chaulnes joue comme vous ; et puis une légère collation, et puis nos belles promenades, et partout il a été question de parler de vous. J’ai dit à Pomenars que vous étiez fort en peine de ses affaires, et que vous m’aviez mandé que pourvu qu’il n’y eùt que le courant, vous ne seriez point en inquiétude ; mais que tant de nouvelles injustices qu’on lui faisoit vous donnoient beaucoup de chagrin pour lui. Nous avons fort poussé cette plaisanterie, et puis cette grande allée nous a fait souvenir de la chute que vous y fîtes un jour, dont la pensée nous a fait devenir rouges comme du feu. On parle longtemps là-dessus, et puis du dialogue bohème, et puis enfin de Mlle du Plessis, et des sottises qu’elle disoit, et qu’un jour vous en ayant dit une, et trouvant son visage auprès du vôtre, vous n’aviez pas marchandé, et lui aviez donné un soufflet pour la faire reculer ; et que moi, pour adoucir les affaires, j’avois dit : « Mais voyez comme ces petites filles se jouent rudement ; » et ensuite à sa mère : « Madame, ces jeunes créatures étoient si folles, qu’elles se battoient : Mlle du Plessis agaçoit ma fille, ma fille la battoit ; c’étoit la plus plaisante chose du monde ; » et qu’avec ce tour, j’avois ravi Mme du Plessis de voir nos petites filles se réjouir ainsi. Cette camaraderie de vous et de Mlle du Plessis, dont je ne faisois qu’une même chose